Évaluation des entreprises d’insertion par le travail indépendant

Publié le | Temps de lecture : 4 minutes

Christine Branchu, Erik Rance (Igas)


Le rapport établit une évaluation de l’expérimentation introduite par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Celle-ci vise à permettre à des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, d'exercer une activité professionnelle, en bénéficiant d'un service de mise en relation avec des clients et d'un accompagnement socioprofessionnel, réalisés par une entreprise d’insertion par le travail indépendant.

Les entreprises d’insertion par le travail indépendant (EITI), relevant de l’insertion par l’activité économique, perçoivent de l’Etat une aide au poste. Au premier trimestre 2023, la Direction générale de l’emploi et de la formation professionnelles recensait 56 EITI et la plate-forme de l’inclusion 1 468 emplois à temps plein (ETP).

Une solution adaptée à des publics éloignés de l’emploi

L’insertion par le travail indépendant peut être une solution adaptée à des publics éloignés de l’emploi qui ont connu des expériences difficiles dans le salariat, ou à des publics qui, pour diverses raisons (santé, garde d’enfants…), estiment qu’un contrat de travail salarié est incompatible avec leur besoin de flexibilité horaire. Cependant, la mission d’inspection note que l’objectif même de l’expérimentation n’a pas clairement été précisé : il n’a notamment pas été spécifié si le but était que l’activité créée permette au bénéficiaire de retirer un chiffre d’affaires suffisant pour couvrir les coûts d’exploitation et retirer un bénéfice lui permettant de vivre ou seulement d’en retirer un revenu accessoire.

En outre, le statut de travailleur indépendant sous le régime de la microentreprise, qui est celui de la quasi-totalité des personnes accompagnées par les EITI, comporte un degré de protection sociale moindre par rapport au statut de salarié et des risques de dépendance économique exclusive vis-à-vis de l’apporteur d’affaires, c’est-à-dire l’EITI, voire des risques de requalification en salariat. 

Soumettre les conventions liant les EITI et l’Etat à un cahier des charges

Aussi, le rapport propose de soumettre les conventions liant les EITI à l’Etat à un cahier des charges. Celui-ci doit inclure des garanties de partenariat en amont avec les spécialistes de la création d’entreprise, capables d’évaluer la pertinence du projet d’entreprise ainsi que l’insertion de l’EITI dans un écosystème suffisamment étayé pour assurer la continuité de l’accompagnement en cas d’échec du projet. 

Ce cahier des charges devrait prévoir un objectif clairement défini d’autonomisation du travailleur indépendant, tant en termes de compétences que de développement de sa propre clientèle, à la sortie du parcours en EITI ainsi que les modalités et la qualité des moyens d’accompagnement mis en œuvre. Les indicateurs de sorties en emplois doivent être adaptés au travail indépendant et complétés par des indicateurs fiables sur la levée des freins sociaux comme cela était proposé pour l’ensemble des structures d’IAE par le précédent rapport de l’Igas.

Nouer des partenariats et diversifier les modes de financement

S’agissant du financement de l’expérimentation, les modalités de versement de l’aide au poste de 6 287 € pour 1 505 heures travaillées par travailleur indépendant sont inadaptées au travail indépendant pour lequel, contrairement au salariat, le volume horaire n’est pas une variable pertinente et le fort niveau de subventionnement des EITI (à 85 %) ne garantit pas leur pérennité. 

La mission propose de forfaitiser l’aide au poste pour tenir compte des coûts d’accompagnement les premiers mois, puis d’introduire progressivement une part variable, déclenchée si une évolution du chiffre d’affaires global des travailleurs indépendants suivis par l’EITI est constatée sur plusieurs mois et attribuée sur des critères tenant compte du degré d’éloignement de l’emploi, de la qualité de l’accompagnement d’insertion professionnelle et sociale et de formation. 

Pour s’assurer à terme d’une solidité suffisante du modèle économique de chaque EITI, ces dernières doivent nouer des partenariats afin de diversifier les modes de financement pour parvenir à un rééquilibrage progressif entre contributions publiques et recettes propres.

Conformément aux recommandations du rapport, l’expérimentation a été prolongée pour trois ans par la loi de finances pour 2024 dans un cadre renforcé par un décret du 30 décembre 2024. 

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